Ci après le communiqué de l'équipe de Kersauson sur la tentative de record dans le pacifique. Après une première tentative avortée il y a quelques jours, il est reparti et pour le moment tout va bien. Le communiqué et les paroles rapportées de Kersauson sont toujours du... pur Kersauson...
Joint à 11 h 30 ce matin, Olivier de Kersauson confirmait que jusqu´ici Geronimo avait accompli une troisième journée très rapide (+ de 500 milles en 24 heures ) permettant ainsi au trimaran de Capgemini et Schneider Electric d´être en avance sur le record de la trans-pacifique (Los Angeles/Honolulu). Pour autant, rien n´est fait car la situation météorologique est incertaine.
Entre les mains du barreur
A 550 milles de l´objectif, le trimaran CapGemini/Schneider Electric marche entre 22 et 25 n½uds dans un vent très irrégulier en force et en direction. «Nous sommes dans un système orageux, le vent oscille de 30° et varie de 14 à 40 n½uds dans les grains. Nous ne faisons pas la route directe et nous espérons que la rotation du vent va s´accentuer pour nous permettre de faire le bon cap. Le système n´est pas alimenté de façon saine et ce système orageux pourrait nous contraindre à parcourir 800 milles, au lieu de 550, pour rejoindre Honolulu. Tout cela est bien fragile, nous ne sommes pas sur une autoroute paisible. Il y a peu de man½uvres, en réalité tout repose sur le doigté du barreur. Il faut beaucoup de talent pour négocier et anticiper les variations de vent et surtout la mer qui est doublement croisée. L´une vient de loin et du nord/ouest et l´autre, un clapot moche, qui nous vient de l´est/nord/est. Cam Lewis est un barreur d´exception, il a un vrai talent. Par rapport au reste de l´équipage, mis à part Didier Ragot, il fait marcher le bateau deux n½uds plus vite en moyenne. J´ai rencontré deux ou trois barreurs de ce niveau dans ma vie. En plus, il ne connaît même pas Geronimo. Il est marrant et un peu juvénile, ce qui ne gâche rien».
Emotion
Voilà plus de 30 ans qu´Olivier de Kersauson n´était pas venu naviguer sur ce parcours. « Ici comme ailleurs, les systèmes météo ont changé. La dernière fois que je suis venu, c´était il y a 35 ans, avec Tabarly et Colas sur Pen Duick 4. Je me souviens avec émotion de cette époque. Les coureurs américains sur leur maxi, bardés de la panoplie du parfait connard, casquette, short, couteau à la ceinture, nous prenaient pour des ploucs avec notre trimaran en aluminium. On leur a quand même mis 40 heures à l´arrivée. On s´était bien marré. Pen Duick 4, initialisé par Eric Tabarly et André Allègre, l´architecte, avait déjà toutes les qualités des multis d´aujourd´hui, ils ont été considérablement allégés, mais tout y était ».
Message du bord
« Vent capricieux, variable, irrégulier au possible. Rien de tout cela n´est bon pour les nerfs, assez loin de l´ensemble des prévisions qui, de toutes façons, ne sont pas très appétissantes.
Nuit de conte des milles et une nuit : « La lune était sereine et jouait sur les flots ». Splendide. Belle nuit de lune sur une mer croisée. Quelques grains pas trop sévères. Ici, l´air froid venu du nord fend les molécules tièdes des tropiques. L´angle au vent varie de 35 degrés, cela laisse une impression incertaine. Impossible de dire quel sera le vent dans une heure. La tension monte, il va falloir subir et se débrouiller sur cet océan d´incertitude. En hauteur, la nuée court vers l´ouest, masquant la lune par moment. Puis, la nuit lumineuse revient irréelle presque brutale après l´éclipse.
Les hommes de quart s´émerveillent à voix haute. Course fluide de Geronimo dans un monde argenté ; Cam Lewis, magnifique virtuose à la barre, relance sans cesse la course du bateau. Elégance et précision du geste, anticipation de la vague, glisse extraordinaire dans ce monde de bosses mobiles Assis avec Didier Ragot dans le cockpit on oublie la stratégie, le stress, envahis par le bonheur de naviguer, on déconne sous la lune. Souvenirs, fou rires, tout s´emmêle. Cette nuit, la mer est à nous ».
Temps de référence : 5 jours 9 heures 18 minutes 26 secondes par Bruno Peyron en 1997.